mardi 30 août 2011

La boucle est bouclée...

Avant de clôturer ce mois d'anniversaire, je publie le texte complet, ainsi, pas besoins de naviguer d'un article à l'autre pour lire...

J'espère que vous aurez pris autant de plaisir à me lire que moi à écrire... Même si honnêtement, cela me parait difficile!


“You'll be given love
You'll be taken care of
You'll be given love
You have to trust it”*

Björk en personne chante dans ma chambre. Je n’ouvre pas les yeux, mais tend la main vers l’objet qui émet ce bruit. All is full of love est la musique que joue mon téléphone (qui me sert de réveil) pour tenter de me sortir des bras de Morphée… En fait, si cette chansons est jouée, ça veux dire que la chanteuse Islandaise à échoué à me réveiller avec « I’ve seen it all », et “Selma’s song”.
Il est donc 5h40 passé. Je vais être en retard au travail. Du bout des doigts, je trouve enfin l’appareil. Je tente d’appuyer sur tous les boutons. Il y en à bien un qui fera taire cette machine. C’est pas que je n’aime pas la musique, mais si elle continue à chanter comme ça, Bjork va finir par réveiller toute la maison!
Dans le silence revenu du petit matin, je sors à tâtons de la chambre. Il fait encore nuit dans la maison, et je n’y vois rien. Surtout, pas un bruit. Rester discret. Ne pas réveiller les enfants… Sinon, de en retard, je vais passer à très en retard…

Arrivé dans la cuisine en trainant les pieds, comme tous les matins, je sort une casserole avec la grâce et la discrétion d’un éléphant, la remplie d’eau et allume le gaz. Tout ça toujours en aveugle, je n’ai pas encore réussi à ouvrir les yeux… Alors que la cuisinière siffle sous la casserole, je fais pivoter la cuisine autour de moi, pour retourner dans le couloir en direction de la salle de bain.

L’eau de la douche est chaude, et en ruisselant sur mon visage, elle me permet de commencer à songer à regarder le monde pour la première fois de la journée. D’abord, je ne pense à rien. Puis je songe à mon travail. Aujourd’hui, je dois vérifier des tableaux Excel, des milliers de lignes, des centaines de colonnes… La porte de la salle de bain s’ouvre, me tirant de mes pensées.
-Mais qu’est ce que tu fais ? me demande mon épouse.
-… ben… Je prends ma douche…
-A cette heure? Tu sais quel jour on est?
Je réfléchis. Mais mes souvenirs les plus vieux à ce moment là ont moins de 10 minutes. Et encore, je ne me souviens pas de tout ce qui c’est passé depuis que le réveille m’a sorti de mon lit… C’est que je ne suis pas du matin. Surtout quand j’ai vidé une bouteille de vodka la veille. Oui, c’est ça! Hier, on avait des amis à la maison. Je commence à me rappeler. On c’est couché tard. C’était Vendredi, et comme le samedi je ne bosse pas, on à fait la fête… Et j’ai oublié de débrancher mon alarme, donc, je me retrouve à me lever aux aurores pour rien… Bon. Je ferme les robinets, et sort de la douche.
-… Ben… Euh… Oui, mais en fait, je voulais… euh… J’ai du travail en retard, et je voulais bosser un peu avant que les petites ne se réveillent… Bien rattrapé.
-Mouais, me répond-elle, pas dupe pour deux sous. En attendant, tu feras gaffe, la gazinière c’était encore éteinte. Quand est-ce que tu me répare ça ? Tu attends que ça saute?
-Ben… je suis pas technicien, moi.

Deux cafés et trois cigarettes plus tard, je suis devant mon écran d’ordinateur. Il n’est pas encore sept heures. Ma femme me fait un bisou dans le cou, et en partant elle me donne les dernières consignes sur le petit déjeuné des petites.
-Ne fait pas bouillir le lait, ça déborde, et c’est pas toi qui lave…
-Non, tu à remarqué ? C’est incroyable, il doit y avoir des petits lutins dans la maison. Chaque fois que je Sali quelque chose, il me suffit de le laisser quelques jours, et hop, c’est lavé !
-Fou toi d’ma gueule. Elle me lance un regard mi amusée, mi agacée. Se rend-elle seulement de la chance qu’elle à de vivre avec l’homme le plus drôle de la terre? Elle ajoute encore quelques consignes à mon intention, mais je ne l’écoute pas, perdu dans l’écran de mon Personnal Computer.
-… D’accord? Me demande-t-elle.
-Euh… Pardon? -Tu ne m’écoutais pas?
-Ben… Si… Bien sur… Tu à raison, et je suis d’accord avec toi. Moi aussi, je t’aime… A ce soir! (Est-ce que j’ai bon?) Je risque un coup d’œil sur elle. Son visage est fermé. La colère la fait rougir à vu d’œil.
-Alors je te demande d’emmener les filles manger en ville pour qu’on se retrouve pendant ma pause de midi, et tu me répond juste que tu m’aime!? Tu n’es qu’un sale con égoïste!
-Moi aussi je t’aime… A tout à l’heure! Elle claque la porte.
Je me retrouve seul avec mon alter égo de silicium, et les petites qui dorment dans leur chambre. Je me masse les tempes. J’ai encore très mal à la tête. Je me lève et retourne prendre un cachet dans la cuisine. Tant que j’y suis, je reprends une casserole propre (les petits lutins laveront bien tout ça!), la rempli de lait et la met sur le feu. Pour être sur d’éviter que ça ne s’éteigne encore, je coince le bouton avec un bout de papier. Une fois fait, je retourne sur mon P.C.
8h47. Toujours pas d’enfant levé. J’ai fini mon travail, finalement, il n’y avait pas grand-chose. Mais quelque chose ne me plait pas. J’ai l’impression d’avoir oublié un truc… Sortant un mouchoir pour tenter de me déboucher le nez, je me relis. Non, tout va bien ici. Là? OK. Je sors une cigarette de son paquet et la met à ma bouche. Non, tout est en ordre. Je prends mon briquet et

Néant.

Le Néant, c’est pas comme dans les films.
Au cinéma, vous avez un écran noir et du silence.
Le néant, c’est le néant.
Plus rien n’existe.
On ne peut pas dire que le néant est silencieux, dans le néant, le bruit n’à jamais existé.
Il n’existe pas, et n’existera jamais.
On ne peut pas dire qu’il y fait noir.
Le néant n’a ni consistance, ni couleur, ni odeur, pas de gout, rien.
Juste, rien.
Rien ne bouge, rien n’existe.
Rien.
Si ce n’est … Le néant.
Le rien absolu.
Même moi, je suis devenu le néant.
Moi? Je? Quelle notion absurde et totalement étrangères au néant.
Une bulle de conscience au milieu du néant.
Qui du coup n’est plus le néant.
Mais alors? Quoi? Je ne peux pas dire que j’ouvre les yeux.
Mais j’émerge du néant et prends conscience de moi et de ce qui est autour.
C’est à peine mieux. Je vois vaguement du blanc. Des différences de contraste… Comme observer un brouillard impénétrable… A travers une brume encore plus épaisse… Mais que ce passe-t-il? Ou suis-je? Qui suis-je? Dans quel état j’ère? Des couleurs font leur apparition. J’en reconnais certaines, d’autre non. Comment décrire une couleur? Surtout que c’est… Plus que des couleurs. Ce sont presque des présences. Le monde autour de moi sort de sa torpeur ouaté et prends consistance.

“Maybe not from the sources
You have poured yours
Maybe not from the directions
You are staring at”

Pas de “Hello George”, pas de saint Pierre qui m’accueil et m’explique ce qui se passe entre deux blagues de Séraphin et de Cupidon. Pas de flammes dévorant l’âme des damnés. Pourtant, la présence devant moi me fait comprendre que je suis passé dans l’autre monde.
-Et merde. Et il y à des tabacs au moins ici?
Je ressens un rire. Je dois m’être endormis sur mon travail, et ma femme s’étant levée m’à trouvé avachi sur mon clavier. Du coup, elle se marre. Normal. Je vais donc me réveiller maintenant.
Maintenant.
J’ai dit maintenant.
Maintenant?
Maintenant n’existe pas ici.
Ici?
C’est nulle part. Mais partout à la fois. Il suffit d’une pensée, et je suis partout, tout le temps. Je suis omniscient. Simple observateur, mais partout, et tout le temps. Pas mal pour un assemblage de protéine, un gros tas de viande inutile. Est-ce donc ça, le paradis? Ce n’est pas vraiment une question, à peine une pensée, je me sens comme un déplacé, mais sans effort ni volonté, comme si le monde autour de moi changeait pour être remplacé par autre chose, je surf sur l’espace et le temps. Le monde autour de moi se sublime et disparait, remplacé par une autre réalité. Cela dure une éternité, mais c’est si rapide qu’il me faut plusieurs secondes pour me rendre compte du changement et comprendre ou et quand je suis.
Je me retrouve sur mon bureau, en 1997. Je suis à l’école. Le prof rend les devoirs. Je me rappel très bien de se moment. Je suis en train de le vivre. C’est une dictée. Le texte a été donné à apprendre il y a quelques jours, et j’ai travaillé, dur… Au point, désespéré de voir que ça ne rentrait pas, d’avoir fait une anti sèche, que je n’ai pas utilisé… Le verdict tombe. -Zéro. -Ben, ce n’est pas grave, je me rattraperais à la prochaine. Oui, je me rattraperais à la prochaine. Sauf qu’il n’y aura jamais rien d’autre que d’autres zéro par la suite. Il y à des moments comme ça, ou même devant l’évidence, marquée en rouge sur le papier blanc, on refuse de voir. A ce moment là, je rêve encore de grandes écoles, de destin extraordinaire, de panthéon… Et si finalement, la plus grande réussite d’un homme est de savoir reconnaitre sa place et de se rendre compte que même les grands hommes, tout comme nous, vont aux toilettes et se battent au quotidiens contre des rasoirs électriques en panne de batterie? Même pour les femmes, des bandes de cire chaude remplacent les rasoirs! Finalement, nous passons tous toute notre vie à nous trouver petit, à nier notre grandeur, nos accomplissements. Alors que finalement, les autres ne sont pas plus grands. Et si le premier déni, mais aussi le plus grands des moteurs, était de renier notre bonheur, le voyant toujours plus loin (en avant ou en arrière) au lieu de le voir ou il est vraiment? Et si le paradis était finalement ici et maintenant, quelque soit cet ici, et ce maintenant? Finalement, il suffit de le décider… Facile à dire maintenant…

Twist your head around
It's all around you
All is full of love
All around you

J’en ai vu assez, ce rêve commence à être long. Je veux me réveiller maintenant! Je ne me réveille pas. D’habitude, ça marche… Je ne comprends pas. Je ne veux pas comprendre. Je ne peux pas comprendre! Mais enfin, qu’est ce qui m’arrive? C’est donc ça l’enfer?! Mais non, ce n’est pas possible! Non, je ne peux pas mourir maintenant! Mort de quoi d’abord!? Quoi le gaz! Non! J’avais bloqué le bouton avec un papier! Ce n’est juste pas possible! Vous vous êtes trompé! Ce n’est pas juste! Alors maintenant, foutez moi la paix! Et laissez-moi partir! Tu parles, on me fait miroiter le paradis, mais je sais bien qu’ici, ce n’est que l’enfer. Je suis quelques années avant cette dictée. De retour juste après l’époque de la ZEP coincée au fond de la ZUP**... Je me rappel du choc. Nous habitions un H.L.M. avec mes parents. Puis il y à l’accident. Je me retrouve seul. A peine douze ans, et déjà criblé de dettes, et seul pour affronter un monde hostile et au mieux indifférent. Le petit village dans lequel je suis alors placé est une sorte de grande famille. Une famille dans laquelle il y a autant de frères et de sœur que d’enfants sur les bancs de l’école avec moi. Le choc est donc très brutal. Orphelin et déraciné, je me retrouve projeté seul depuis ma jungle urbaine, peuplée de sauvages individus qui préfèrent rester seuls les un contre les autres, plutôt que de faire front et de s’unir. Le monde dans lequel j’ai grandi, et dans lequel je suis à l’aise. C’est cet instant que nous vivons. Je marche, d’un pas assuré, sans écouter les bruits autour de moi. C’est la fin de la journée. Je rentre de l’école pour retourner chez la famille qui m’accueil. Ils essaient de bien faire. Mais je les trouve aussi envahissant et bien pensant qu’ils me trouvent sauvage et distant. Et c’est le cas de toute la communauté.
-Salut ! Tu viens jouer avec nous? Le gamin qui me pose cette question semble le faire innocemment, plein de bonne volonté. Mais si c’était un piège? Je préfère décliner poliment:
-Va te faire voir. Il n’à pas de réaction. Paralysé tant par la sécheresse du ton que par la nature de la réponse, et les mots choisis. Il me fixe, immobile, visiblement choqué. C’est plus qu’il ne m’en faut.
-Qu’est-ce-tu veux? Tu m’à pas compris? Fou moi la paix! Je lui hurle dessus maintenant. Il a alors la plus mauvaise des réactions qu’il aurait pu avoir…
-Bon, ben… Excuse-moi… Répond-t-il en baissant les yeux.
-Que je t’excuse? Que je t’excuse de quoi? T’est qu’un tas de merde, comme tous les bouseux qui habitent ici, votre patelin, c’est bouse-land! C’est arrivé tellement vite que je n’ai même pas eu le temps de voir que je lui avais cassé le nez… La suite, se sera un centre de redressement… Pas suite à cet incident, mais il y en eu d’autre… Les autres… Sartre disait « l’enfer, c’est les autres »… Et si finalement, parfois, l’enfer, c’est ce que nous faisions de notre vie, les autres n’étant que les miroirs de notre feu intérieur… Le reflet, pour moi, ce sera d’abord la colère, la violence, l’enfermement… A la maison de redressement, une fois ma colère calmée, je restais des heures à la fenêtre, suppliant dans le vide « laissez-moi partir »…

All is full of love
You just ain't receiving
All is full of love
Your phone is off the hook
All is full of love
Your doors are all shut
All is full of love!

Laissez-moi partir… S’il vous plait… Mais si, il existe forcément un moyen… Vous l’avez bien fait pour Jésus… J’ai encore pleins de choses à faire, moi… Tiens, rien qu’à mon travail, je suis chargé de vérifier des tonnes de paperasses… On ne dirait pas, mais c’est un job vital pour l’entreprise… Si je disparais, je ne dit pas que la boite va couler, mais il y aura certainement des soucis… Alors vous voyez ? … Oui, je suis sur de vouloir retourner là bas… Vraiment certain… Je vous en supplie… Je sens le sommeil m’envahir… Je suis de retour dans l’éther… Laissez-moi rentrer chez moi… Dans le néant… S’il vous plait… Tiens, rien qu’aujourd’hui, la, d’une minute à l’autre, mes petites vont...
-… se réveiller! De nouveau, l’univers en entier est pâteux, tout me semble étrange, mou, spongieux, moi y compris… je n’essaie pas d’ouvrir les yeux… De toute façon, je n’y arriverais pas… Ils sont déjà ouverts… Je n’arrive plus à bouger. Le monde se transforme en lumière. Une lumière sale, de lampe de poche, mais plus vive que tout ce que je n’ai jamais vu avant. Les perceptions reviennent… Pccchhhhhhh… Bip… Bip… Tuuuut! Pccchhhhhhh… Bip… Bip… Tuuuut! Pccchhhhhhh… Bip… Bip… Tuuuut! Pccchhhhhhh… Bip… Bip… Tuuuut! Tou-dip! Pccchhhhhhh… Bip… Bip… Tuuuut! Bbrrrrrrrrrrrr…
C’est insuportable. La lumière disparait. Un visage la remplace. Je pense qu’il s’agit d’un visage. Pas sur…
-Papa? Tu me vois? Je fais un effort colossal de mémoire. Non, cette femme qui m’appel Papa ne peux pas s’adresser à moi. Mon ainée à eu 6 ans il y à trois mois… Cette femme a au moins la trentaine…
-Attend, je vais couper ces machines… Nous les avons branchées pour t’aider à te réveiller… Je ne comprends plus rien. Mais enfin, que se passe-t-il? Je ne me rappel pas d’avoir déjà vécu ça… -Papa, … Je ne sais plus quoi dire… J’attends ça depuis 25 ans… Finalement, je ne sais pas qui tu es… Mais on va pouvoir faire connaissance… D’abord, tu dois ne rien comprendre… je vais t’expliquer ce qui c’est passé… Implacablement, l’infirmière continue son monologue : -En Mars 2010, alors que nous étions ma sœur toi et moi à la maison, il y à eu un accident… On ne sait pas trop ce qui c’est passé, mais la maison à explosé. J’ai eu de la chance, je n’ai rien eu. Par contre, ma sœur est morte dans l’incendie. Toi, tu à été grièvement blessé…
Impitoyable, elle ne me laisse même pas reprendre mon souffle pour digérer ces nouvelles. Si c’est de l’histoire ancienne pour elle, pour moi, c’est arrivé ce matin… Je vous en supplie, arrêtez ça!
-… tu ne t’est pas réveillé depuis, et plusieurs de tes fonctions vitales sont assurées par ces machines, mais ne t’en fait pas, la médecine a fait d’énormes… Ce n’est pas pour vivre ça que je voulais rentrer… Je sens que de nouveau, tout change… je repars… méfiez vous de ce que vous souhaitez car vous pourriez l'obtenir… J’aurais du y penser avant cette tentative de retours…

All is full of love
All is full of love
All is full of love
All is full of love
All is full of love

Je suis de retours … Au milieu de rien… Je cherche du regard un coin pour me cacher, ce qui arrive là est profondément injuste, si l’on y réfléchit, j’étais encore jeune, et j’avais tant à accomplir encore… J’avais une femme fantastique et deux enfants merveilleux… Que reste-t-il aujourd’hui? Le trou le plus profond et le plus sombre de l’enfer serait encore trop exposé à mon gout… J’aimerais me réduire jusqu’à ne plus exister, retourner dans le néant et ne plus jamais être… N’avoir jamais existé. …Ne plus être ici…

Je suis de retours en 2004. Seul, dans un couloir qui sent la biséptine et la javel. Comment en est on arrivé là? Pourtant, tout se passait tellement bien… Et d’un coup, tout dérape… Ma femme et moi venons de vivre les neufs mois les plus heureux de notre jeune couple… Nous avons attendu notre premier enfant. Le gynécologue est formel, tout va pour le mieux… Mais ce soir, tout dérape… Et je me sens comme une chenille qui voit fondre sur elle la roue d’un rouleau compresseur, immense et implacable, inévitable… Comme un enfant quand le manège s’arrête. Sauf que personne n’est là pour me prendre dans ces bras. Il est 23h47. Il n’y à plus personne dans la clinique. La ville autour aussi est déserte, d’ailleurs, elle n’existe même plus. Plus rien ni personne n’existe, à part moi, se couloir mal éclairé, et la porte massive qui le bloque au fond. Derrière cette porte, dans la salle d’opération, une équipe médicale fait son possible pour sauver ma femme et mon enfant… La journée avait commencé normalement. Puis vers midi, ma femme avait eu des contractions. En fin d’après midi elles étaient plus vives… Et en début de soirée, elle avait perdu les eaux. Le moment sur lequel notre attention se focalisait depuis 9 mois était enfin arrivés. Sauf que, après une journée marquée par de fortes hésitations, lorsque nous avons fini par aller à la clinique, ce fut la douche froide. Le monitoring révélait une souffrance et une insuffisance cardiaque du bébé. Le temps de réunir l’équipe médicale, et la porte du bloc c’était fermée devant moi à 22 heures 53.
Il y a presque une heure. La joie à vite fait place à l’attente. L’attente à l’inquiétude… Et l’inquiétude au désespoir. Seul dans ce vastes couloirs, je marche et m’interroge. Pourquoi est-ce aussi long? Comment vont l’enfant et la mère? Que va devenir cet enfant malade? Et si le cerveau de l’enfant avait été mal irrigué du fait des faiblesses du cœur? Et si le bébé gardait des séquelles à vie? Dans la sombre obscurité du couloir, le rêve de ces dernier mois se refermait sur moi avec la noirceur du pire de mes cauchemars… Soudain, la porte s’ouvre.
-Monsieur? Je cours. Je n’entends pas ce que la sage femme me dit. Le petit bout de chair rose est là, exposé et vulnérable, posé comme une offrande sur le drap vert de sa couveuse.
-… Apgar à 10. Un bébé en parfaite santé, en fait, elle avait le cordon enroulé autour du cou. Si nous n’étions pas intervenus, elle n’aurait pas survécu, mais là, elle est en parfaite santé. Votre épouse vous rejoindra d’ici quelques…
Je n’écoute pas. Plus rien n’importe que Elle… Je ne la vois plus, elle est masquée par des larmes, qui de désespoir sont devenu des larmes de bonheur. A ce moment, je prends conscience que pour elle, j’accepterais tout, tous les caprices, les vœux, les sacrifices, si nécessaire même jusqu’au dernier, pour qu’elle soit, ne plus être…

Epilogue…
Ne plus être… Après tout, c’est bien de cela qu’il s’agit, non? De toute façon, tôt ou tard, on doit tous y passer… Finalement, en y repensant, je suis mieux à finir comme ça, sans même m’en rendre compte, qu’à attendre la mort en puant la pisse dans un hospice, comme j’ai vu mes aïeules le faire… Ou pire encore, dans cette vision que j’ai eu d’un légume devenu une charge physique et morale pour ces proches déjà durement éprouvés… un non être qui n’à pas eu la chance de n’être plus… Puis franchement, ça pourrait être pire, il y à encore quelques heures, j’étais tellement cartésien que je pensais la mort fin de toute chose, alors que finalement, ce n’est la fin que de tout ce que nous connaissons depuis le début de notre existence… J’accepte donc ce destin, si cruel, injuste, finalement implacable et charitablement impartial…
Le sol vibre, le monde tremble. Tout bouge autour de moi. L’univers tourne dans une valse infinie. Des couleurs chatoyantes me caressent les rétines alors que je suis porté par une musique entrainante. C’est le meilleur moment de ma vie.
Nous sommes en 1983, et dans une galerie marchande, mes parents m’ont offert un tour de manège. Mon avion monte, descend, part en vrille, fait des loopings, mais… Il se stabilise, ralenti… Descend…
Que ce passe-t-il ?
La musique s’arête…
Ce n’est pas déjà fini, ça vient à peine de commencer… Mon père regarde sa montre, ma mère ramasse son sac… Il faut se rendre à l’évidence. Pourtant, bien que tout soit maintenant arrêté, je continue d’appuyer sur les boutons…
Mon père m’arrache alors de l’écrin de la machine.
-Alors, ça t’à plu?
Pour toute réponse, je hurle! Dévoré par la rage. Non, ça ne peux pas être fini ! Mes pleurs résonnent dans toute la galerie. Des visages se tournent vers nous. Certains sont compatissant, d’autres amusés… la plupart agacés, ou dans le meilleur des cas, blasés. -Arrête de pleurer, un tour, c’est déjà bien, sois heureux de ce qui à été plutôt que d’être triste de ce qui n’est plus… Mon père n’a jamais su parler aux gosses…
Mais je n’ai jamais été un enfant comme les autres non plus. Je me calme et demande
-je pourrais en faire un autre?
-… Tu sais, on à encore plein de choses à faire, et il est déjà tard… Les hurlements ne sont pas loin… Mais se sont maintenant de longs sanglots qui sortent… Il n’y à rien de plus triste qu’un enfant qui descend d’un manège…
-Allez, va, lance ma mère, ne pleure pas, nous reviendrons samedi!
Finalement, ils ont raison. On ne peut pas passer notre vie ici… D’autres choses nous attendent, certaines tâches du quotidien, comme prendre mon bain dès que nous rentreront à la maison, puis plus tard, aller à l’école, faire les devoirs, apprendre les leçons, passer des diplômes, trouver travail, … et avec de la chance, trouver le bonheur… Ou juste, être heureux de ce que j’aurais… …

“You'll be given love
You'll be taken care of
You'll be given love
You have to trust it”

Björk en personne chante dans ma chambre. Je n’ouvre pas les yeux, mais tend la main vers l’objet qui émet ce bruit. All is full of love est la musique que joue mon téléphone (qui me sert de réveil) pour tenter de me sortir des bras de Morphée… En fait, si cette chansons est jouée, ça veux dire que la chanteuse Islandaise à échoué à me réveiller avec « I’ve seen it all », et “Selma’s song”. Il est donc 5h40. Je vais être en retard au travail. Du bout des doigts, je trouve enfin l’appareil. Je tente d’appuyer sur tous les boutons. Il y en à bien un qui fera taire cette machine. C’est pas que je n’aime pas la musique, mais si elle continue à chanter comme ça, Bjork va finir par réveiller toute la maison!



Mais au fait, quel jours sommes nous?

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